Bien
qu’étant moi-même en formation depuis 2 ans à l’Approche
Centrée sur la Personne, appartenant au courant humaniste, je me
suis rendu compte récemment à quel point j’ignorais ce que
définit exactement ledit courant humaniste. Avec à peine la vague
notion que le travail est centré sur les émotions et que l’ACP et
la Gestalt-thérapie en font partie (et encore, jusqu’à il y a peu
et pour une raison qui m’échappe, j’y associais aussi, à tort,
l’Analyse Transactionnelle), j’étais à mille lieues de pouvoir
dire quelles thérapies exactement s’y rattachaient, quel était
leur tronc commun, pour quelles raisons historiques elles s’étaient
définies comme thérapies humanistes, … Ce livre, destiné aux
étudiant·e·s en psychologie (Master ou fin de licence selon le 4ème de
couverture), semblait être le support idéal pour rattraper mon
retard.
Le problème est que, si explicite que soit le titre, le livre couvre très large :
hypnose, méditation, cohérence cardiaque, massages thérapeutiques…
il y a même 7 pages sur les expériences de mort imminente. J’ai
d’abord cru à un problème d’inattention de ma part. Perturbé
de lire un long développement sur l’EMDR, je suis retourné au
début du chapitre : j’avais forcément raté quelque part le
lien avec les thérapies humanistes... il était question de Rogers, de
Maslow, d’existentialisme et de Rollo May il y a peu, qu’avait-il
bien pu se passer entre temps? Et puis j’ai vu que le début
du chapitre portait sur Freud et Breuer, et j’ai du me résigner au
fait que soit j’avais été infiniment plus inattentif que je ne le
pensais, soit la seule raison de l’inventaire qui se déroulait
sous mes yeux dans ce chapitre là était le thème du corps, parce
que les thérapeutes humanistes ne s’interdisent pas nécessairement
de travailler sur le corps.
Pour donner un
exemple, il est à un moment longuement question de l’hypnose. Le
lien peut avoir des aspects intéressants : au cours d’une
formation d’introduction à l’hypnose ericksonienne, j’avais
moi-même spontanément fait des rapprochements avec l’ACP. Le fait
de parler de client·e et non de patient·e, le concept de position basse
qui désigne l’humilité nécessaire et le refus d’autorité de
la part du ou de la thérapeute, le principe stipulant que l’individu fait
toujours de son mieux avec ce dont il dispose ou qu’une action ne
définit pas la personne, ces points communs avec l’approche
rogerienne relèvent-ils uniquement de la coïncidence? Le concept
d’inconscient qui sait certaines choses mieux que le conscient
est-il si éloigné de l’émotion qui, dans l’ACP, nous renseigne
parfois plus sur notre identité profonde que la partie rationnelle du psychisme?
Le livre ne répondra pourtant nullement à ces questions et
présentera l’hypnose uniquement en tant que telle, dans un
développement par ailleurs intéressant. Seulement, le livre
s’intitule Introduction aux psychothérapies humanistes et
l’hypnose, à ma connaissance, ne se revendique pas
particulièrement du courant humaniste. Si des thérapeutes
humanistes intègrent de façon pertinente l’hypnose à leur
pratique, je serais le premier à les applaudir, j’aime la
pluridisciplinarité (sinon ce résumé ne succéderait pas à celui
d’un livre de Christophe André et celui de la vulgarisation d’un
travail de thèse plutôt ancien sur le mensonge) mais… le titre du
livre, scrogneugneu, c’est Introduction aux psychothérapies
humanistes! Le minimum, que ce soit pour parler de
l’hypnose, de l’EMDR, des expériences de mort imminente ou du
chamanisme, aurait été de les lier explicitement, de façon
contextualisée, à, je ne sais pas, par exemple, les psychothérapies
humanistes! Les différentes disciplines sont tellement décrites
indépendamment de ce qui les lie au mouvement humaniste que même la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement, si enthousiasmante et qui pourtant en dérive explicitement, n’est même pas évoquée. Le contenu du
livre est certes intéressant en soi, mais le hors-sujet presque
complet est un peu rude. J’espère que le concept éditorial ne va
pas se répandre : "Bonjour Monsieur l’éditeur, j’ai un
projet à vous proposer, ça va s’appeler Introductions aux
psychothérapies analytiques, je vais faire deux chapitres sur la
psychanalyse et après je vais parler des séries Marvel Netflix
parce que j’aime bien, à part la saison The Defenders j’ai
pas trop accroché, et puis après je ferais bien une partie ou deux
sur les bò bún, j’en ai mangé un hier dans un restau que je
découvrais c’était vraiment un délice".
J’ai certes appris
des choses sur les thérapies humanistes (en espérant que ce soit
fiable : c’était au tout début du livre, au moment de la
lecture où je ne me méfiais pas encore). Elles semblent plus ou moins nées avec Maslow, et le point commun entre les diverses
approches serait de développer au mieux le potentiel de l’être
humain, à travers par exemple l’authenticité (renoncer aux
défenses non pertinentes) ou l’accès à la créativité, que ce
soit en offrant les conditions pour que le meilleur prenne place
(l’actualisation rogerienne) ou à la confrontation au tragique et
à la recherche de sens (Rollo May, Victor Frankl, …).
Le livre est
intéressant, le contenu semble rigoureux, mais difficile d’apprécier
ces qualités avec un hors-sujet si surréaliste (on peut à la
limite y voir une boîte à outils -très- conséquente pour le
psychothérapeute humaniste, mais certainement pas une introduction
délimitant ce en quoi ces psychothérapies consistent). Si mon
projet initial avait été de me renseigner sur le chamanisme, les
matrices périnatales fondamentales ou l’EMDR, je me serais
probablement spontanément dirigé ailleurs. Le lecteur qui veut
effectivement mieux comprendre en quoi consistent exactement les
thérapies humanistes pourra se contenter des deux premiers
chapitres, voire à la définition formelle d'Anthony Sutich, un peu ancienne (1962)
et peut-être d’ailleurs un peu large, de la psychologie humaniste,
fournie en début d’ouvrage : "La psychologie humaniste
s’attache principalement aux aptitudes et aux potentialités
auxquelles la théorie béhavioriste ou la théorie analytique ne
laissent que peu, voire aucune, place : amour, créativité,
soi, croissance, organisme, satisfaction des besoins élémentaires,
accomplissement de soi, valeurs morales, être, devenir, spontanéité,
jeu, humour, affection, naturel, chaleur, transcendance du moi,
objectivité, autonomie, responsabilité, signification, principes de
conduite, expérience transcendantale".
Le titre effectivement un peu racoleur ne serait-il pas dû à l'éditeur plutôt qu'à l'auteur ?
RépondreSupprimerJe ne pense pas... l'auteur a bien l'air d'estimer parler des thérapies humanistes, malgré le contenu du livre qui, dans sa majorité, n'a pas grand chose à voir. Dans la mesure où il est universitaire, je trouve ça un peu inquiétant.
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