La
psychologie clinique propose nombre de solutions pour mieux soigner
ses propres problèmes, mais offre beaucoup moins de réponses
lorsqu’il s’agit d’influer sur le comportement de quelqu’un
qui n’a rien demandé. Que l’étudiant·e en psycho qui ne s’est
jamais ditẹ, dans un moment d’agacement, "cette personne aurait
bien besoin d’une thérapie, ça me ferait des vacances",
me jette la première pierre (pas pour de vrai, hein, ça doit faire
super mal!). Il y a certes d’excellentes raisons : inutile de
faire un dessin (serait-ce un dessin de Muzo) pour expliquer ce qui
pose problème dans l’idée de décider de ce qui va et ne va pas
chez l’autre, et de modifier son comportement selon notre bon
vouloir. Pourtant, le·a manager à la limite du harcèlement moral, le·a
voisin·e agressif·ve, le·a client·e étouffant·e de condescendance, l’ami·e qui
prend tout mal au point qu’on s’inquiète par anticipation chaque
fois qu’on s’adresse à lui ou elle, sans parler du ou de la manipulateur·ice qui va
délibérément élaborer des stratégies pour blesser, peuvent faire
du mal, parfois beaucoup de mal, parfois quotidiennement. Les
explications de Christophe André, complétées par les courtes
bandes dessinées de Muzo, vont fournir quelques clefs pour se
préserver.
Différents profil de
casse-pieds (ou personnalités) seront présentés : les
narcissiques, les négativistes, les paranos, les histrioniques, les
stressé·e·s (ou plutôt les "stressénervé·e·s"), les pervers·es (ceux et celles qui se réjouissent du malheur d'autrui surtout s'iels l'ont causé, pas qui ont des fantasmes érotiques étranges qui ne concernent que leur vie privée) et les
passif·ve·s agressif·ve·s. En plus d’attitudes recommandées et
accessoirement d’attitudes non recommandées pour chaque
personnalité, chaque chapitre contient la définition (ça peut
servir!), un test pour savoir si le·a lecteur·ice est concerné·e,
ce qui permet d’identifier le seuil pathologique, des pistes
d’étiologie (c’est succinct!), et… les avantages de chaque
profil (le·a négativiste voit venir les dangers, le·a stressénervé·e
accomplit beaucoup de travail, l’histrionique est un·e bon·ne
commercial·le, …). Le risque, non négligeable avec ce type de livre,
de glisser vers le jugement, est considérablement limité par
plusieurs précautions : j’ai déjà évoqué le test de
chaque début de chapitre qui évite une vision binaire et permet aux
lecteur·ice·s de se demander dans quelle mesure iels sont concerné·e·s, ou encore
le rappel des quelques avantages de ces personnalités toxiques, mais
la question est explicitement prise en compte dès l’introduction
avec un appel à l’humilité ("nous sommes, forcément,
évidemment, le casse-pieds de quelqu’un d’autre. Ou nous le
serons. Ou, tout au moins, nous l’avons été") et à l’empathie,
y compris pour des raisons pratiques ("nos remarques sont mieux
écoutées si elles sont précédées de phrases empathiques"), sans
compter que, si se protéger est le plus important et même l’objet
du livre, "si elle n’est pas toujours perceptible ou exprimée,
la souffrance n’est jamais loin en cas de troubles de la
personnalité". La tentation de brandir telle ou telle phrase du
livre comme un acte d’accusation ou un jugement définitif est donc
moins brûlante qu’elle ne pourrait l’être avec ce type de
format.
Le livre est avant
tout conçu pour être pratique, et les conseils sont regroupés dans
une liste brève et claire, au même endroit de chaque chapitre. Une
bibliographie est proposée à la fin pour aller plus loin, pour les
professionnel·le·s comme pour les non-professionnel·le·s, la lecture est
facile et rapide et les conseils, pour autant que je puisse en juger
sans les avoir testés ni vu tester, semblent pertinents.
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