mercredi 31 mars 2021

L'analyse transactionnelle en pratique : 13 études de cas, dirigé par Catherine Tardella et Lionel Souche

 


  Ce livre, destiné avant tout à combler un vide (l'existence d'un livre francophone consacré à l'Analyse Transactionnelle, "des propositions fondatrices de Berne aux dispositifs contemporains de pointe" et centré sur la pratique), est destiné à la fois à ceux et celles qui voudraient découvrir cette orientation et aux étudiant·e·s qui pourront utiliser la variété des situations présentées et l'expertise des auteur·ice·s comme autant de ressources. Il va de soi que le fait que la co-directrice ait été étudiante en même temps que moi à l'IED, et que j'ai même été son patient pour quelques séances d'EMDR, ne nuit en rien du tout à mon objectivité (d'ailleurs, par souci de transparence, je vous propose un lien vers son site et sa chaîne YouTube pour que vous puissiez vous faire votre propre idée).

 Comme le titre l'indique, le·a lecteur·ice est invité·e à suivre des praticien·ne·s directement dans leur activité, et les éléments théoriques seront amenés en direct, avec un glossaire en annexe pour éventuellement compléter. La structure permet de vite constater l'éventail de possibilités offertes par cette pratique, de la résolution d'un problème ou d'une souffrance individuels aux fonctionnement relationnels néfastes dans le couple ou même en entreprise. Individuel et collectif peuvent d'ailleurs s'imbriquer, comme pour David qui découvre que sa posture d'éducateur, envers un résident ou envers la direction, est fortement liée à son rapport personnel à l'expression de ses ressentis, ou encore Sophie qui à la fin d'une thérapie de couple, après un détour par la résolution d'un problème de communication spécifique, aboutit à une séparation, découvre une meilleure compréhension de ses propres besoins et une façon de les exprimer qui lui convient plus. La méthode elle-même est difficile à classer, avec par exemple des éléments qui évoquent la psychanalyse (les Etats du Moi font partie des concepts fondamentaux) ou la thérapie systémique (quel rôle joue chacun dans telle ou tel échange, quel équilibre ça créée et implique?), des emprunts à la psychologie humaniste comme la technique des deux chaises de la Gestalt, ou encore une part importante donnée à la psycho-éducation (un des leviers pour permettre au ou à la patient·e de changer est de lui faire prendre conscience explicitement, de façon compréhensible mais aussi entendable émotionnellement, des racines et enjeux de son fonctionnement actuel).

 Les vignettes cliniques s'appuient souvent sur un mode de fonctionnement, de perception de soi et des autres et d'une façon de communiquer, ancrés dans une blessure précoce (on comprend donc facilement pourquoi la première partie s'intitule "les expériences précoces"). L'enfant a ses désirs et perceptions propres, et les confronte à l'environnement et en particulier aux figures d'attachement et d'autorité ("tout enfant aura enregistré des vécus en désaccordage", "la personne se retrouve coincée entre deux forces qui s'opposent et la tiraillent"). L'adaptation à cette tension ("je ne peux pas exprimer la colère mais quand c'est de la tristesse c'est accepté", "l'attachement de mes proches se mérite, je dois prouver ma valeur et mon utilité encore et encore", ...) modèle un comportement qui se maintient souvent à l'âge adulte ("nos pensées, nos ressentis, nos comportements seront le fruit de notre scénario, mais ils en seront également le carburant", "le sujet répéterait ce qui serait dysfonctionnel encore et toujours dans l'espoir inconscient d'aboutir, enfin, à une résolution de la souffrance du passé"). Une compréhension fine ("semblable à la structure d'un artichaut, le processus ne parvient guère au cœur dans l'immédiateté") de l'origine autobiographique, du sens, des résultats recherchés et effectifs de l'attitude permettent progressivement à la personne de se la réapproprier et de la remplacer par une autre plus épanouissante et conforme à ses objectifs ("le travail de l'intervenant est d'élaborer la plainte en demande, puis en commande et, enfin en contrat"). Le principe est à la fois clair et riche, le passage à l'action est parfois plus confus : j'ai retrouvé plusieurs fois la sensation de surenchère conceptuelle vécue en lisant Des jeux et des hommes ou Le triangle dramatique, ne sachant plus trop si l'idée est de clarifier la réalité ou de lui courir après en inventant un concept par situation. J'ai en revanche trouvé les idées fondamentales particulièrement riches pour mieux saisir les situations de transfert et de contre-transfert : est-ce que la situation patient·e-thérapeute n'est pas particulièrement propice à installer, ou à glisser vers, une relation Parent-Enfant plutôt qu'Adulte-Adulte, voir Sauveur-Victime (le Sauveur propose son aide d'abord pour se sentir indispensable, sans trop se soucier des besoins réels, la Victime veut qu'on règle ses problèmes à sa place)? Richesse supplémentaire et peut-être plus spécifique, l'écoute par le·a thérapeute de ses ressentis pour mieux percevoir si l'émotion exprimée par le·a client·e lui appartient vraiment ("l'autre se sent facilement manipulé lorsqu'une personne est dans son sentiment parasite" -le sentiment parasite est une émotion valorisée dans l'enfance qui a progressivement remplacé l'émotion authentique moins écoutée- ).

 Le contrat du livre est plutôt bien rempli : il permet de se rendre compte de la diversité des situations dans lesquelles l'AT peut s'appliquer, mais aussi de voir ses concepts très étendus en action. Les personnes profanes auront largement de quoi décider d'aller plus loin ou non, et pourront même relire le livre, ou un chapitre en particulier, pour mesurer l'avancée de leur compréhension.

 

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