samedi 25 octobre 2014

Psychopathologie du sujet âgé, de Gilbert Ferrey et Gérard Le Gouès




 Si une partie considérable du livre est consacrée, comme l’indique son titre, à la psychopathologie, de nombreux autres aspects du vieillissement sont traités. Dans les différentes solutions face à la dépendance, par exemple, les auteurs évoquent l’option du maintien à domicile avec aide tout en déplorant le manque de formation des auxiliaires de vie.
 Le livre a aussi le mérite de consacrer une part importante aux problèmes somatiques, qui, personne ne le niera, augmentent avec l’âge et qui, on s’en doute, ont un impact sur le psychisme. Dans la partie consacrée au traitement médicamenteux, il est d’ailleurs recommandé de ne jamais prendre à la légère les plaintes qui concernent des douleurs, même quand les douleurs résistent aux traitements antalgiques comme aux placebo, et même quand les proches relativisent la plainte (la piste d’une dépression, par exemple, peut être à explorer).
  Les spécificités de la structure psychique de la personne âgée, du point de vue psychanalytique, sont aussi largement commentées : l’investissement de la vie, le transfert, ne se font pas selon les mêmes critères quand la fin de vie approche, et c’est à prendre en compte dans une éventuelle cure analytique (qui sera aussi différente selon que le·a patient·e a  déjà été analysé·e ou non). Le concept de psycholyse est proposé pour "tenter de rendre compte du déclin du psychisme, selon des critères uniquement psycho-pathologiques", et proposer des modalités d’échange thérapeutique avec le sujet dément qui s’appuieront principalement sur l’analyse du contre-transfert.
Je l’ai déjà évoqué indirectement : en plus de la partie strictement psychopathologique, les approches thérapeutiques sont évoquées, avec un chapitre par méthodologie, et incluent les TCC, ce qui est plutôt une bonne nouvelle (et comme les auteurs, qui ont oublié d’être dogmatiques, ne sont pas pour autant experts, le chapitre sur les TCC est rédigé par B. Rivière, qui a des connaissances en TCC mais, semble-t-il, pas de prénom). Les autres approches sont l’approche analytique (comment ça je l’ai déjà dit?), la psycho-sociothérapie institutionnelle (si si...), et, de loin le plus long, les thérapeutiques biologiques (ils auraient pu juste dire "les médicaments" mais c’est quand même moins classe). Ce dernier chapitre est intéressant à lire même quand on n’est pas médecin, d’une part parce qu’il parle aussi de l’alliance thérapeutique et de l’enjeu des prescriptions (les traitements temporaires à privilégier qui peuvent vite devenir permanents si le·a prescripteur·ice n’est pas vigilant·e, le risque d’envoyer un message qui manque de clarté dans le cas pas si exceptionnel où le médecin critique une molécule tout en continuant de la prescrire pour répondre à une demande supposée du ou de la patient·e, …), et d’autre part parce que des éléments de psychopathologie supplémentaires sont donnés. En ce qui concerne le chapitre sur la psycho-sociothérapie institutionnelle, vous n’apprendrez pas grand-chose, contrairement à ce qu’on pourrait croire, sur la thérapie systémique (même si, comme moi, vous n’y connaissez absolument rien), mais plusieurs problématiques pertinentes sont soulevées sur les maisons de retraite (installations "qui rassurent les visiteurs mais ne sont pas investies de fait par les personnes âgées, grands parcs, pièces d’eau, salons immenses et majestueux, chambres seules avec télévision mais isolées et ennuyeuses au fond de longs couloirs", équilibre nécessaire entre confort et sécurité –des sorties pas assez sécurisées peuvent être un prétexte pour refuser des sujets trop désorientés pour cause de risque de fugue, tout en invoquant la préservation des libertés individuelles, mais il n’est bien entendu pas question non plus que la résidence évoque l’univers carcéral-, réalité du "choc visuel, parfois auditif et souvent olfactif" des visiteur·se·s qui peut rendre particulièrement réticent au placement qui ne doit pas faire oublier que les conséquences de la vieillesse sont une réalité et qu’un établissement qui consacrerait une grande énergie à les dissimuler au détriment d’autres services serait plutôt suspect, la grande disponibilité demandée au personnel qui s’expose de fait à avoir des comportements de paternalisme ou de lassitude face à des demandes parfois répétitives et pas toujours compréhensibles, …) : ce chapitre court et clair gagnerait à être lu par les familles à la recherche d’un établissement.
Le livre est extrêmement proche du livre de Pierre Charazac sur la clinique des personnes âgées, mais là où une structure moins rigide est justifiée, dans le livre de Charazac, par un message régulièrement rappelé (quel que soit le symptôme ou la plainte initiaux, la personne est à considérer dans son ensemble –entourage, troubles passés, contexte de l’éventuel placement, … - pour augmenter les chances d’agir de façon pertinente), certaines particularités sont moins évidentes à comprendre dans ce livre là : pourquoi le diagnostic différentiel entre les différents types de dépression est-il traité dans le chapitre sur les thérapeutiques biologiques plutôt que dans le chapitre général sur la dépression? Pourquoi l’appareil psychique de la personne âgée (au sens psychanalytique) et les thérapies analytiques sont-elles dans des chapitres séparés? La tentation d’éventuellement utiliser le livre, à la structure apparemment claire, comme un dictionnaire (enfin, pour les rares personnes qui ne se sentent pas d’apprendre les 400 pages par cœur) pour faire face à certaines situations rencontrées risque de faire passer, du fait de ces particularités, à côté d’informations importantes. Plus anecdotique : le livre est destiné, c’est écrit derrière, aux psychologues clinicien·ne·s, aux psychiatres et aux médecins généralistes, donc si le vocabulaire est parfois spécialisé, le livre ne contient pas de lexique. Ce sera au lecteur de se souvenir que LCR n’a rien à voir avec Olivier Besancenot (enfin, pas plus qu’avec quelqu’un d’autre, je ne voudrais pas non plus l’insulter gratuitement) mais veut dire liquide céphalo-rachidien, ou encore,  comme moi, de découvrir avec émotion sur le dictionnaire d’anatomie que je consulte régulièrement wikipédia qu’en fait xérostomie ça veut juste dire sécheresse de la bouche (celui-là il faudra absolument que je le case dans une conversation!).
Un livre donc qui est enrichissant à lire et bien pratique à avoir sous la main, mais qui pourrait être encore plus pratique.

2 commentaires:

  1. S'agit-il de TCC ou de TTC ? Je n'ai entendu parler que de TCC, thérapie cognitivo comportementale dans mes recherches internet ? et laissant à Bercy le bénéfice des TTC ...

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  2. Si concerné que soit Bercy par le vieillissement de la population, je parlais bien de TCC. C'est rectifié, et les nombreuses autres coquilles qui traînent depuis un moment le seront après le stage, quand j'aurais plus de temps

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