samedi 31 janvier 2015

Dire et faire dire. L'entretien, d'Alain Blanchet



 L'entretien, clinique ou non, étant une suite d'actes de langage, il fallait bien s'attendre à ce que la linguistique, cette discipline scientifique qu'on a laissée entrer dans les cursus littéraires (alors que, à l'évidence, elle porte des baskets), s'y intéresse.

 Dans ce livre extrêmement technique, l'auteur décompose les différents types de prises de parole de l'interviewer·euse, et leurs effets. S'il est écrit par un clinicien, le livre concerne d'ailleurs tout autant les entretiens de recherche, en clinique ou autre. La lecture du premier chapitre demandera de beaucoup s'attarder sur le vocabulaire spécifique (les étudiant·e·s de l'IED reconnaîtront une partie du programme de psychologie cognitive de 3ème année) et d'ingérer une quantité certaine d'aspirine, mais une approche plus pratique sera proposée, non pas dans le dernier chapitre qui s'intitule "Conclusions pratiques" (ce serait trop facile!), mais dans l'avant-dernier ("Confrontations empiriques") qui présente des résultats de recherche. L'auteur a par exemple constaté que les réitérations d'un énoncé étaient perçues comme une remise en question (l'interviewé·e va donc souvent nuancer la partie réitérée par l'interviewer·euse, la présenter comme subjective, sauf dans le cas plus rare où au contraire iel devient plus affirmatif·ve), ou encore que relancer par des questions spécifiques, plutôt que de faire parler plus l'interviewé·e, va entraîner des réponses brèves et l'attente de la prochaine question, et qu'il sera difficile de recréer la dynamique de l'entretien. L'ensemble du livre montre assez clairement que l'entretien non-directif n'est pas si non-directif que ça, qu'une certaine façon de poser les questions amène un certain type de réponses (et encore, il n'est question que du langage purement verbal!).

 Le livre est loin d'être sans intérêt, mais demandera de s'attarder dessus beaucoup plus que ce que sa petite taille laisse supposer, et surtout implique d'aimer décortiquer les aspects les plus techniques de la relation d'entretien. Il devrait particulièrement intéresser les chercheur·se·s (donc à partir du Master ou Master 2), même si un·e clinicien·ne y apprendra probablement aussi des choses utiles.

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