Philippe Brenot, thérapeute de couple, liste dans ce livre les violences que les hommes font subir, individuellement (violence conjugale) ou collectivement (inégalités sociales), aux femmes. Il précise que cette violence des hommes envers les femmes semble parfois tellement naturelle qu'elle en devient invisible ("l'androcentrisme est ainsi, à notre corps défendant, toujours présent dans une société qui a été pensée, organisée et dirigée par les hommes depuis tant de siècles") et que tous les hommes, lui y compris, doivent être vigilants sur leur comportements. Les violences vont donc des inégalités à grande échelle (différence de salaire à poste égal, faible proportion de femmes dans certains domaines - "ce sont l'université, la politique et l'armée qui ont le plus longtemps opposé une résistance à l'entrée des femmes en leur sein", les plaintes pour viol et violences conjugales, qui concernent majoritairement les femmes même si l'auteur ne manque pas de rappeler que certains hommes les subissent par des femmes, sont de fait le plus souvent enregistrées par des hommes, …) au plus intime, au sein du couple : refus de remise en question par l'homme qui estime être dispensé d'écouter sa compagne, violence physique, négligence au niveau de l'hygiène ("un comportement inconscient de rejet, de mépris, de désintérêt"), absence de disponibilité à l'autre, viol conjugal (l'auteur a le mérite de consacrer du temps à ce sujet parfois tabou, au travers de suffisamment de vignettes cliniques pour montrer que la situation n'est pas une exception et que le violeur ne peut pas ignorer l'absence de consentement de sa victime), comportements entre lesquels Philippe Brenot refuse d'ériger des frontières ("il n'y a pas de différence de nature mais seulement de degrés de la violence").
Une
chose pourtant intrigue : alors qu'il décrit largement en quoi
les stéréotypes de la virilité, une certaine conception du couple
dont il reste des traces dans l'inconscient collectif, une société
où dans de nombreux domaines l'homme est privilégié par rapport à
la femme, contribuent à ces violences (au point qu'il perçoit cette
violence, lorsqu'elle est commise par des femmes sur des hommes,
comme une revanche), il martèle tout au long du livre que c'est très
important, mais alors très très important, d'insister sur la
différence entre les sexes ("c'est cette tendance à vouloir
interchanger les rôles et à abolir les spécificités qui me semble
être à l'origine de la poursuite des violences", "une seule voie
pour l'avenir : accepter la réalité de l'inégalité et non
tendre vers l'utopie d'un idéal égalitaire", "notre société
manque cruellement d'éducation à la différence des sexes", …).
Bon, avant de se demander ce qui lui prend, on va peut-être chercher
à comprendre ce qu'il peut bien vouloir dire par là... "la
paternité n'est jamais l'équivalent masculin de la maternité, pas
plus que la maternité n'est l'équivalent féminin de la paternité",
dit-il en citant Sylviane Agacinsky (Politique des sexes) et
en oubliant de dire ce qu'il entend, dans ce livre qui par ailleurs
ne s'attarde pas sur la parentalité, par paternité ou maternité,
termes qui, c'est vrai, ne recouvrent pas grand chose et vont un peu
de soi. On va chercher ailleurs, alors... Ah, formidable, une
différence précise, dans le fonctionnement cognitif : "il a
bien été montré combien les femmes réussissent toujours mieux que
les hommes dans les tests de mémoire verbale et qu'elles ont une
meilleure mémoire "fortuite" ", ce qui expliquerait certaines
réactions rapportées en vignette clinique, comme "lui, il vit dans
l'instant. Ce qui est passé est passé. Mais toutes ces
humiliations, ces réflexions blessantes, je ne veux pas les oublier,
je ne peux pas les oublier!". On pourrait croire bêtement que quand
quelqu'un tient un propos humiliant, c'est plus marquant pour la
personne qui en est la cible que pour la personne qui en est
l'autrice, surtout quand ça arrange bien la personne en question de dire
que l'autre en rajoute (quelqu'un qui prend la bonne habitude de
tenir des propos humiliants n'est pas nécessairement quelqu'un qui
supporte bien de les entendre!), cas qui se présente dans de très très
nombreuses vignettes cliniques du livre, mais en fait non, c'est plus
probablement une liaison mystérieuse entre les ovaires et
l'hippocampe que les chercheur·se·s en neurologie ne sauraient tarder à
découvrir. Heureusement, Philippe Brenot a anticipé ma mauvaise
volonté, et fournit encore un autre exemple : Adrien, 12 ans
("il est bagarreur et tape tous ceux qui refusent son autorité",
"il a vu son père frapper sa mère lors de leur séparation"),
frappe Chloé, 14 ans, la sœur d'un de ses amis, parce qu'elle ne
veut pas le laisser passer devant elle au self. Il explique au
surveillant qu'il ne comprend pas bien ce qu'on lui reproche, d'une
part parce que "cette pouffiasse" était parfaitement libre de se
pousser, d'autre part parce que des coups "j'en reçois tous les
jours et ne dis rien". Le·a lecteur·ice apprendra que dans cette
situation, le problème, ce n'est pas qu'Adrien ne soit pas foutu
d'attendre son tour au self, ni que sa réaction spontanée en cas de
conflit soit de frapper (même si c'est lui qui a déclenché ledit conflit), ni même qu'il trouve normal de prendre des coups, non non
non, le problème, c'est que, comme Adrien, "trop d'hommes sont
encore aujourd'hui ignorants de la différence des sexes" (pourtant
Adrien ne semble pas l'ignorer tant que ça... c'est quoi, le
masculin de "pouffiasse"?). Si vous êtes un homme, faites bien
attention de ne pas avoir Philippe Brenot derrière vous quand vous
faites la queue au self!
Bon, il est temps d'avouer que je suis un peu de mauvaise foi dans ma
façon de présenter les choses : il y a bel et bien plus de
précisions sur les différences entre hommes et femmes qui selon
l'auteur sont salutaires, et il admet lui-même que c'est compliqué,
mais d'une part il faut attendre la fin du livre (donc se taper un
certain nombre de rappels sur le risque d'apocalypse si on ne
respecte pas assez ces différences, ce qui m'a laissé pas mal
d'occasions de me demander s'il fallait que je fasse des concours de
pets, que je regarde plus souvent le foot -mais sans ma femme, dans
l'idéal en m'engueulant avec elle parce qu'elle veut regarder
Titanic- et que je quitte la fac de psycho pour un BEP
mécanique, pour servir la cause réellement urgente de l'égalité
homme/femme), d'autre part ces différences concernent surtout la
séduction (en gros, l'homme doit accepter d'être à l'écoute,
sensible, d'apprécier les moments passés ensemble, ce qui, alors
qu'on pourrait croire que c'est l'apprentissage du vivre-ensemble,
revient en fait à accepter la féminité de sa partenaire, tout en
conservant les traits masculins qui sont jugés sexy). Autre élément
qui n'aide pas à attendre sereinement la fin du livre pour savoir ce
que l'auteur peut bien vouloir dire : sur ce sujet
particulièrement sensible, l'auteur dit un certain nombre de fois
une chose et son contraire... je défie quiconque de rester zen du
début à la fin. La répartition des rôles hommes/femmes telle
qu'elle a existé et existe encore est génératrice de violences,
mais "c'est cette tendance à vouloir interchanger les rôles et à
abolir les spécificités qui me semble être à l'origine de la
poursuite des violences", peu importe que la recherche d'emprise
dans le couple soit "depuis si longtemps au service du stéréotype
masculin du machisme qu'elle peut être considérée comme un
caractère appris et, encore une fois, qui peut se désapprendre".
"Accepter l'égalité entre les sexes serait le minimum que pourrait
faire une classe politique timide" mais "une seule voie pour
l'avenir : accepter la réalité de l'inégalité des sexes et
non tendre vers l'utopie d'un idéal égalitaire" (par ailleurs,
contrairement à ce qu'il laisse entendre, l'auteur n'ignore pas que
proclamer l'égalité dans la loi n'est pas suffisant en soi pour
qu'elle existe, puisqu'il énumère les différents progrès
législatifs qui ont été faits jusqu'à aujourd'hui, y compris
l'effroyablement récente -1990- reconnaissance du viol conjugal dans
le code civil). Le viol, c'est très mal, la preuve c'est entre
autres que c'est aussi "une arme de guerre, il accompagne tous les
conflits armés", mais on apprend plus tard à propos du guerrier
que tout homme se doit d'être (!) que "les vertus de ce guerrier sont
le courage, la gloire, l'honneur, toutes qualités passant au-dessus
de la violence qui n'est jamais le but de la guerre". Autre élément
intéressant : le viol est une action intrinsèquement masculine
parce que "le viol implique l'intrusion d'un sexe ou d'un objet
proéminent à l'intérieur du corps de la victime, arme que tout
homme porte sur lui en permanence", "un homme ne peut être pris à
son corps défendant par une femme, fondement de l'inégalité des
attitudes que nous dénonçons"... alors qu'on pourrait bêtement
croire que le stéréotype du désir masculin qui ne supporte pas la
contrariété (les lecteurs du blog se souviennent peut-être que Dolto estime que c'est bien normal qu'un homme couche avec sa
fille, ravie de lui rendre ce service, si son épouse se dérobe au
devoir conjugal), ou la représentation répandue de la pénétration
comme une domination virile ("enculé", très répandu dans le
langage, n'est pas un terme aimable -l'homophobie n'est d'ailleurs pas un
obstacle pour qu'un homme stipule à un autre qu'il l'encule-, et
dire à quelqu'un qu'on a des ébats torrides avec sa mère est
rarement en soi un compliment sur le physique de cette dernière),
ont plus à voir avec ce crime qu'une coïncidence anatomique. Enfin,
c'était intéressant d'apprendre que les femmes n'ont pas de
doigts...
Le
livre est aussi ponctué de plusieurs charges contre le féminisme,
qui, ça va de soi, est agressif et clivant et a pour obsession de
traquer et détruire ce qui constitue la féminité ou la
masculinité, mais surtout ne sert à rien : "les femmes
révolutionnaires, quand à elles, se sont cassé les dents sur un
machisme inébranlable", "le féminisme a été une source
d'évolution, aujourd'hui il ne l'est plus". Eh oui, les évolutions
sociales et législatives sont apparues comme ça, d'un coup, pouf
pouf, comme les cadeaux à minuit sous le sapin de Noël. Les combats
laborieux, l'obligation de faire ses preuves ou de provoquer une
dette (travail en usine pendant la première guerre mondiale,
résistance et risques de mort et de torture que ça implique pendant
la seconde en ce qui concerne la France, selon mes souvenirs de
collège qui sont sûrement un portrait un peu simpliste mais je suis
pas historien on va faire avec), en fait ça n'a servi à rien, il
fallait juste attendre, ou à la limite écrire une jolie lettre aux
gentils elfes législatifs du Pôle Nord. D'ailleurs, ils vont
peut-être livrer cet après-midi le droit de conduire aux femmes
d'Arabie Saoudite, on ne sait jamais... Mieux, "en face d'un
féminisme libérateur ne s'est levé aucune franche opposition".
C'est vrai ça, la Déclaration des Droits de la Femme d'Olympe de
Gouges a été immédiatement acceptée dans la joie et la bonne
humeur, les féministes d'aujourd'hui ne doivent pas subir menaces de
viol et de passage à tabac massives ou suppositions sur leur sexualité sur
les réseaux sociaux, quant à celles qui s'opposent aux Talibans, ça
se termine systématiquement dans la rigolade autour d'un verre. Et
tant qu'on y est, l'évolution post-68arde des mentalités "s'est
faite en moins de trois générations sans que les deux camps ne se
soient réellement affrontés" (c'est vrai que les hommes et les
femmes, qui pour l'occasion sont des camps -déjà que d'ajouter le
concept de genre au concept de sexe a provoqué pas mal de
malentendus, est-ce bien nécessaire d'ajouter celui de camp?-, ne se
croisent qu'exceptionnellement... heureusement qu'il y a les cigognes
pour que l'espèce humaine puisse se perpétuer!). De crainte que le
terme de féminisme ne soit pas assez effrayant, Philippe Brenot
utilise parfois celui de "post-féminisme". Bon, ce n'est pas de la
psycho, mais je me permets une précision, parce que si ce n'est pas
clair pour Philippe Brenot ce n'est peut-être pas clair pour
d'autres personnes non plus : le féminisme, c'est la lutte
contre les inégalités entre hommes et femmes, point (ça n'implique
absolument pas de détester les hommes, ni de brûler les poupées et
les ballons de foot). Comme la société est complexe, que les
interactions entre hommes et femmes sont omniprésentes, et que les
inégalités, qui sont bien plus souvent en faveur des hommes, sont
nombreuses, il y a un certain nombre de façons d'être féministe. La
définition des inégalités (une femme qui porte le voile de son
plein gré, est-elle aliénée, auquel cas il faut la convaincre
d'arrêter, ou est-ce que ne pas respecter son choix est sexiste en
soi?), les moyens d'arriver à l'égalité (les quotas permettent de
corriger un déséquilibre existant, mais c'est aussi inscrire la
discrimination, serait-ce de la discrimination positive, dans la
loi), posent des questions dont les réponses ne font pas
l'unanimité, les débats entre féministes sont donc parfois
virulents. Et si l'injonction à être belle provoque par certains aspects des inégalités, on peut parfaitement être féministe et aimer le maquillage. Etre pour l'égalité des salaires, c'est une
revendication féministe. Vouloir sortir dans la rue sans subir des
techniques de drague à base de sifflements et de cris d'animaux (et
d'insultes dans le cas surprenant d'un refus) même quand il est tard
et qu'on est dans tel ou tel quartier, c'est une revendication
féministe. Même si par ailleurs on aime le maquillage, les
décolletés plongeants, les hommes qui ont des épaules larges, …
Donc, quand Philippe Brenot liste, statistiques à l'appui, des
discriminations subies par les femmes, y compris les plus
insupportables qui sont les expositions à la violence, il s'agit
incontestablement de revendications féministes. Et écrire un livre
rempli de revendications féministes, avec un titre féministe, tout
en disant que le féminisme c'est le mal, ce n'est plus de
l'équilibrisme, c'est du contorsionnisme, d'où de nombreux passages
qui laissent perplexe. Heureusement qu'il ne fait pas pareil avec
tous les termes, sa vie serait quand même compliquée... "Tu fais
quoi?" "J'ai battu des œufs, j'ai assaisonné, et là je les fais
cuire à la poêle" "Ah, OK, une omelette, bon appétit" "Ah mais
non, pas une omelette, quand même pas, t'es fou toi, moi je fais pas
d'omelettes!"
Mais, rappelons le, l'auteur est aussi thérapeute de couple, et
donne des solutions bien concrètes à des situations qui pourtant
semblaient insolvables à la lecture des nombreuses vignettes
cliniques énumérant des hommes qui ne voient pas où est le
problème (sinon dans le comportement de leur épouse qui ne comprend
rien à rien), ou qui s'estiment impulsifs mais ne trouvent pas de
solutions pour arrêter de frapper quand la situation ne leur
convient pas, c'est à dire souvent. Quelques extraits
particulièrement représentatifs : "Je suis trop frustré si
on me dit non! Et puis, il n'y a aucune raison de le faire car
j'essaye d'être le plus juste avec tous, ma femme, comme avec mes
enfants", "elle me dit que ça ne lui plait pas, mais dans le fond
je pense qu'elle aime bien" (à propos d'une tenue vestimentaire négligée). Une autre explication claire, que
Philippe Brenot a emprunté à Patricia Evans (L'agression verbale
dans le couple) : "Plus il se met en colère et plus elle
tente de comprendre comment le fait de dire que la salade est au
réfrigirateur a pu l'amener, lui, à croire qu'elle pensait qu'il en
voulait. Lui n'est, bien entendu, pas hors de lui au sujet de la
salade. Il se fâche parce qu'il a besoin d'exprimer sa colère, en
tout impunité. Cette impunité s'est trouvée menacée quand elle a
répondu : "Pourquoi te fâches-tu?". Il s'est alors
senti contrecarré et s'est dit qu'il risquait de perdre son pouvoir
sur elle". La priorité est d'enrayer le cycle de la violence (et
comme le monde est bien fait, c'est le titre du chapitre) : il
faut donc résister aux impulsions de rendre les coups, de se murer
dans le silence par protection ou en représailles, ou de critiquer
trop frontalement le comportement d'un interlocuteur qui se trouve
trop parfait pour supporter la critique, car ces réactions
entretiendraient un cercle vicieux. Le conseil de l'auteur est plutôt
de signifier l'interdit en allant systématiquement porter plainte ou
déposer une main courante, même si on est un homme victime d'une
femme et que c'est difficile à aller raconter à des gens et même
en cas d'insultes (eh oui, les insultes, c'est illégal), ce qui a en
plus l'avantage d'introduire un tiers : ce n'est pas une épouse
qui n'a mesuré ni ses propres failles ni la perfection de son
conjoint qui dit non, c'est la société, à travers le code pénal
et le commissariat (d'autres tiers peuvent fonctionner, et permettre
un début de dialogue, mais les parents sont à éviter, d'un point
de vue stratégique, parce que ça atténue la dimension de conflit
entre adultes). Philippe Brenot invite aussi à une méthode de
dialogue (la communication paradoxale) qui consiste à commencer sa
réponse par des propos positifs et valorisants, rendant la critique
qui suit recevable (exemple de l'auteur : "oui, je comprends
bien ce que tu viens de dire et tu as raison dans un certain sens,
car ce n'est jamais très simple de communiquer entre nous... par
contre, je n'accepte pas la façon dont tu cries et les mots
dévalorisants que tu utilises pour me parler")... utiliser l'humour
de façon préventive pour désamorcer peut fonctionner aussi.
L'intervention d'un·e professionnel·le, qu'iel soit psychiatre,
psychothérapeute, psychologue, médecin, psyn'importe du moment
qu'iel a une formation solide en thérapie de couple, est fortement
recommandée, mais dans certaines condition : ça ne peut pas
fonctionner si les deux membres du couple ne sont pas volontaires,
impliqués dans la démarche, et il est souhaitable qu'iels consultent
la même personne, mais chacun·e individuellement. Pour certaines
personnes, la thérapie de couple ne suffit pas, il faut une thérapie
tout court ou une réponse pénale ("devant la résistance de
certaines personnalités rigides, très narcissiques, voire
perverses, les stratégies conjugales de la communication montrent
peu d'efficacité") (Philippe Brenot ne le précise pas, mais c'est par ailleurs très souvent le cas : la maladresse dans la communication ou l'impulsivité sont souvent des excuses ou des prétextes pour faire accepter des comportements de violence et d'emprise dans une relation abusive).
Les
conseils pour désamorcer la violence, les abondantes vignettes
cliniques, sont précieux, et c'est peut-être dommage de prendre le
risque de perdre de nombreux·ses lecteur·ice·s avec une approche aussi
clivante : le titre risque de faire fuir certaines personnes,
l'auteur s'en prend frontalement (faute de le faire avec de la
précision factuelle) au féminisme mais tient des propos féministes
qui ne sont pas des moins virulents (invitation explicite pour chaque
homme à se remettre en question, statistiques sur la
violence subie par les femmes en tant que femmes, présentation de la
structure psychique selon Freud -en particulier le concept d'envie du
pénis chez la femme- comme résultant d'une culture sexiste, liens
entre certains aspects de la virilité et violence dans le couple,
refus d'une distinction entre les violences autre qu'une distinction
de degré, …), le premier chapitre est intitulé "j'accuse les
hommes", ce qui fera sauter au plafond ceux et celles qui ne veulent
pas entendre parler de ce qu'on peut appeler domination masculine
(comme Bourdieu souvent cité), patriarcat ou androcentrisme (le
terme choisi par l'auteur), le second est intitulé "mais je demande
aux femmes" et sera perçu comme odieusement paternaliste par ceux
et celles qui sont sensibles à cet androcentrisme (avec raison,
puisque dans ce chapitre il explique aux femmes ce qu'il ne faut
surtout pas faire face à la violence, mais ne dit pas ce qu'il faut
faire, c'est réservé à un chapitre qui n'est pas, ce serait trop
simple, le suivant), … En plus de faire des choix plus diplomatiques,
il était peut-être aussi possible de faire une distinction entre la
violence sociale, qu'il reste indispensable de dénoncer, et la
violence interindividuelle dans le couple, donc de parler moins
constamment de masculin et de féminin, moins constituer ce qu'il en
arrive à appeler des camps : si les deux sont à l'évidence
liées (les viols, les violences conjugales, sont pour l'écrasante
majorité des violences que des hommes font subir à des femmes),
s'il y a une continuité, sont-elles complètement indissociables?
Est-ce qu'il est impossible qu'un couple qui vit dans le partage des
tâches le plus traditionnaliste et y tient (l'homme est responsable
de ramener un salaire, à la maison il ne lève pas le petit doigt)
vive dans le respect mutuel avec des sentiments amoureux réciproques?
Qu'un homme qui clame au contraire être favorable à l'égalité
frappe sa conjointe et lui demande de rendre compte de son moindre
mouvement de sourcil parce que, il n'y peut rien, c'est quelqu'un de
passionné et impulsif (dans 7ème étage, Nils profite
précisément qu'Asa ait le permis de conduire et pas lui pour
maîtriser encore plus la situation en profitant de sa vulnérabilité de fait quand elle conduit)? Et on peut douter qu'aucun couple homosexuel ne puisse
profiter de ces conseils de thérapie de couple : pourtant,
parmi les si nombreuses vignettes cliniques, toutes
concernent des couples hétérosexuels. Les mécanismes décrits,
d'estimer son propre désir comme la chose la plus importante du
monde et le ressenti de l'autre comme à côté de la plaque, qu'il
n'y a plus aucun effort à faire une fois que la relation est
inscrite dans la durée (mariage, …), de vivre comme une agression
les demandes de passer du temps ensemble, de trouver acceptable de
frapper pour maintenir une domination, est-ce que ce ne serait pas,
au delà d'une distinction homme masculiniste/femme victime de
l'androcentrisme, une distinction sujet/objet, donc des compétences
fondamentales du vivre-ensemble qui ne font pas partie des préoccupations de la personne violente en plus d'être une situation favorisée par des
stéréotypes?
Au moins l'ouvrage que tu ne donnes pas envie de lire, aura-t-il donné une bonne occasion de rigoler, grâce à toin
RépondreSupprimerEt pourtant ça vaut la peine de lire le livre... c'est juste éprouvant, un peu comme manger un artichaut en étant obligé de mâcher les feuilles
RépondreSupprimer