jeudi 3 mai 2018

A way of being, de Carl Rogers




 Ce dernier livre, particulièrement personnel, de Carl Rogers, est constitué, sur le modèle de son Développement de la personne, de textes courts et divers, sur des thèmes aussi variés que le vieillissement, l'éducation, des considérations (optimistes) sur l'avenir, l'ésotérisme, des retours d'expériences cliniques et de groupes de rencontre...

 En cohérence avec les principes de l'Approche Centrée sur la Personne, la présentation des différents textes laisse percevoir une volonté d'aller à l'essentiel ou du moins à l'essence, de présenter uniquement des contenus qui sont importants pour l'auteur lui-même. Si le·a lecteur·ice de Rogers se retrouve en terrain familier avec la présentation des mérites didactiques, mais aussi émotionnels et sociaux de la pédagogie non-directive, des moments intenses, voire initiatiques, vécus en groupes de rencontres malgré le chaos qui semble faire partie intégrante du début de chaque session, des guérisons en psychothérapie qui tiennent plus de la révélation de la personnalité que de la disparition d'un symptôme, du lien entre ce que lesdites thérapies révèlent sur l'individu et ce qu'elles laissent espérer concernant l'humanité en général, Rogers va parfois plus loin encore qu'à son habitude dans la critique des institutions, de ce qui est établi, rigide, comme lorsqu'il s'interroge sur les limites de la science et surtout l'incapacité à admettre les limites en question (interrogation prolongée par des invitations à explorer des thèmes comme la télépathie ou la vie après la mort) ou encore, montrant que s'il est réticent à être directif il est capable d'être très direct, lorsqu'il constate à haute voix devant les personnes concernées que la formation et la certification des psychothérapeutes a un temps de retard considérable puisque seules des personnes formées il y a longtemps ont un pouvoir de décision, que l'institution a donc plus de pouvoir que la création, ou encore que l'évaluation du savoir telle qu'elle est pratiquée ne renseigne pas sur l'attitude thérapeutique, essentielle à ses yeux ("Si un de vos amis proches était dans une détresse nécessitant une assistance thérapeutique, et que je vous donnais le nom d'un thérapeute sans autre information que le fait qu'il a un diplôme de psychologue clinicien, est-ce que vous le recommanderiez à votre ami? Bien sûr que non").

 Dans la diversité des textes, l'énergie générale dégagée est une invitation à sortir de sa zone de confort, à créer, à explorer, à échanger d'égal·e à égal·e, avec comme objectif assumé de rendre l'humanité meilleure (Rogers s'en prend explicitement aux discriminations sociales, au racisme, à l'homophobie, favorisés par l'entre-soi). Si les informations techniques ne manquent pas sur les différents sujets abordés, si directement et indirectement l'ouvrage est clair sur ce que Rogers a réalisé, le message qui s'en dégage est de s'en emparer pour le dépasser, à aller au devant des difficultés que ça implique, à voir ce bilan comme un point de départ plutôt que comme un accomplissement. Ce message ne sera, hélas, pas accessible aux lecteur·ice·s francophones, puisque le livre n'est pas (encore?) traduit en français.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire