Ce dernier livre, particulièrement personnel, de Carl Rogers, est constitué, sur le
modèle de son Développement de la personne,
de textes courts et divers, sur des thèmes aussi variés que le
vieillissement, l'éducation, des considérations (optimistes) sur
l'avenir, l'ésotérisme, des retours d'expériences cliniques et de
groupes de rencontre...
En cohérence avec les
principes de l'Approche Centrée sur la Personne, la présentation
des différents textes laisse percevoir une volonté d'aller à
l'essentiel ou du moins à l'essence, de présenter uniquement des
contenus qui sont importants pour l'auteur lui-même. Si le·a lecteur·ice
de Rogers se retrouve en terrain familier avec la présentation des
mérites didactiques, mais aussi émotionnels et sociaux de la pédagogie non-directive, des moments intenses, voire initiatiques,
vécus en groupes de rencontres malgré le chaos qui semble faire
partie intégrante du début de chaque session, des guérisons en psychothérapie qui tiennent plus de la révélation de la
personnalité que de la disparition d'un symptôme, du lien entre ce
que lesdites thérapies révèlent sur l'individu et ce qu'elles
laissent espérer concernant l'humanité en général, Rogers va
parfois plus loin encore qu'à son habitude dans la critique des
institutions, de ce qui est établi, rigide, comme lorsqu'il
s'interroge sur les limites de la science et surtout l'incapacité à
admettre les limites en question (interrogation prolongée par des
invitations à explorer des thèmes comme la télépathie ou la vie
après la mort) ou encore, montrant que s'il est réticent à être
directif il est capable d'être très direct, lorsqu'il constate à
haute voix devant les personnes concernées que la formation et la
certification des psychothérapeutes a un temps de retard
considérable puisque seules des personnes formées il y a longtemps
ont un pouvoir de décision, que l'institution a donc plus de pouvoir
que la création, ou encore que l'évaluation du savoir telle qu'elle
est pratiquée ne renseigne pas sur l'attitude thérapeutique,
essentielle à ses yeux ("Si un de vos amis proches était
dans une détresse nécessitant une assistance thérapeutique, et que
je vous donnais le nom d'un thérapeute sans autre information que le
fait qu'il a un diplôme de psychologue clinicien, est-ce que vous le
recommanderiez à votre ami? Bien sûr que non").
Dans la diversité des
textes, l'énergie générale dégagée est une invitation à sortir
de sa zone de confort, à créer, à explorer, à échanger d'égal·e à
égal·e, avec comme objectif assumé de rendre l'humanité meilleure
(Rogers s'en prend explicitement aux discriminations sociales, au
racisme, à l'homophobie, favorisés par l'entre-soi). Si les
informations techniques ne manquent pas sur les différents sujets
abordés, si directement et indirectement l'ouvrage est clair sur ce
que Rogers a réalisé, le message qui s'en dégage est de s'en
emparer pour le dépasser, à aller au devant des difficultés que ça
implique, à voir ce bilan comme un point de départ plutôt que
comme un accomplissement. Ce message ne sera, hélas, pas accessible aux lecteur·ice·s francophones, puisque le livre n'est pas (encore?) traduit en français.
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