Le
milieu de la vie, ou la période qui s’en approche, est potentiellement initiatrice d’un sentiment de vide, d’angoisse profonde, malgré
un quotidien qui pourrait, de l’extérieur, sembler accompli. Bien
que le livre indique dès la couverture se préoccuper de cette
transition du milieu de la vie, l’auteur prend rapidement des
distances avec cette notion : plus que la prise de conscience de
notre propre mortalité, c’est celle d’un contraste entre la vie
menée jusqu’ici, en partie guidée par des injonctions sociales ou
familiales, et nos aspirations profondes, qui crée cette douleur,
qui ne se traduira donc pas nécessairement par l’achat d’une
voiture de sport ou des liaisons avec des partenaires plus jeunes. Si
cette transition n’arrive pas nécessairement au milieu de la
vie, plusieurs éléments favorisent sa survenue à ce moment là.
Les performances sportives déclinantes, le fait de devenir moins
attirant, peuvent faire réaliser brusquement la part que prenait
notre corps dans notre identité. L’usure d’une relation
amoureuse au bout de dix ou vingt ans, la lassitude professionnelle
dans une carrière qui stagne, peuvent pousser à se demander ce
qu’on fait là. Le départ des enfants plus si enfants que ça du
domicile familial amène par la force des choses à moins se définir
par la parentalité. La confrontation à la maladie peut aussi
constituer un choc qui remue des choses qu’on supposait établies.
Christophe
Fauré parle d’un diamant à multiples facettes : si une
facette se trouve ternie (la vie amoureuse, professionnelle,
familiale, …), c’est l’ensemble du diamant qui en devient moins
brillant. Et si la prise de conscience d’un besoin de changement
est positive, la remise en question, la peur de ne pas pouvoir
s’accomplir, peuvent être brutales et douloureuses. Le livre va
prendre le temps d’explorer plusieurs de ces facettes
individuellement (le corps, le couple, la vie professionnelle, les
relations aux enfants qui se permettent de grandir et aux parents qui
vieillissent alors qu’on a soi-même grandi, redéfinissant
doublement le lien initial), mais aussi donner des conseils plus
généraux pour que le changement se fasse dans de bonnes conditions,
la plus récurrente et importante étant d’éviter la
précipitation, de prendre le temps de s’écouter vraiment. La
tentation peut être pressante, alors qu’on se rend compte de ce
qui ne nous convient pas dans le chemin qu’on a parcouru, d’estimer
que le problème vient de l’extérieur et que d’envoyer promener
par exemple son ou sa conjoint·e, ou son employeur·se, va tout régler. Si rien
n’exclut que c’est l’un des passages qui vont finalement
s’imposer, le point de départ doit être d’identifier ce qui ne
va pas en nous, au risque dans le cas contraire de réaliser à court
terme que la solution magique qui devait tout régler n’a pas réglé
grand-chose. Identifier les croyances qui nous ont fait arriver là
("je suis nul, je n’arriverai jamais à rien", "je n’ai pas le
droit de revendiquer mes propres besoins", ...), et d’où elles
viennent ("votre père vous répétait sans cesse que vous étiez un
bon à rien", "vous avez dû prendre en charge l’éducation de
votre plus jeune frère", ...), est une première étape pour mieux
déterminer où aller. Et si la prise de risque, sans nier ses
aspects insécurisants, est souvent récompensée ("la confiance en
soi est le fruit de l’action ; c’est le résultat
de décisions ou de démarches que l’on entreprend, alors même
qu’on est dans le doute où la peur", "quand nous prenons soin de
nous, quand nous faisons preuve d’amour à notre égard, nous
suscitons peut-être un peu d’envie et de jalousie, mais nous
devenons également inspirants"), mais aller vers la nouveauté
n’implique pas de rejeter en bloc notre passé et ce qu’on a
acquis, qui peut avoir eu un sens et une utilité dans le passé, et
en avoir encore aujourd’hui. Le changement peut aussi être
pleinement épanouissant sans être aussi radical qu’on ne se le
représentait, comme dans la vignette clinique de Bernadette qui,
lassée de sa vie professionnelle, a considérablement augmenté son
investissement dans ses activités artistiques (chant et peinture)
pour en faire son métier : elle s’est alors rendue compte que
c’est de cet investissement en soi qu’elle avait besoin, sans
pour autant en faire une reconversion. L’auteur propose une longue
série de questions précises pour mieux guider ce cheminement vers
une nouvelle identité ("essayez-vous de compenser certaines
carences de vos parents?", "Qu’avez-vous appris de la
première moitié de votre vie, quels enseignements?",
"Où vous sentez-vous bloqué, coincé, inhibé dans votre vie ?",
"Quels sont vos talents? Comment s’exprime au mieux votre
créativité ?", "quels sont les rêves et désirs
nouveaux qui émergent en vous ?", …).
Le
dernier chapitre passe à une autre échelle d’ambition, de "voici
ce qui peut provoquer cette douleur en vous et comment transformer
cette énergie en projet de vie positif" à "vous êtes mille
fois plus que ce que vous croyez être". De clinique, le
propos devient (tout en restant appuyé sur une base théorie
clinique!) philosophique, sur le sens de la vie. Bref mais argumenté,
c’est un plaidoyer pour le don de soi selon ce qu’on est en
mesure de donner ("En accompagnant les personnes en fin de vie dans
les services de soin palliatifs, je n’ai jamais entendu quelqu’un
dire : "Ma vie a eu du sens parce que j’ai été aimé."
J’ai toujours entendu l’inverse : "Ma vie a eu du sens
parce que j’ai aimé"), sur la méditation de pleine
conscience pour savoir se centrer sur l’ici est maintenant (une
analogie est faite avec un verre d’eau pure dans lequel on
verserait de la terre : si on secoue le verre, la terre prend
plus de place, obscurcit la clarté de l’eau, alors que si on pose
le verre, elle est toujours là dans la même quantité mais reste au
fond, permettant d’apprécier la pureté de l’eau), … Ce
chapitre permet de mieux comprendre pourquoi dans l’intro l’auteur,
tout psychiatre qu’il est, désignait ce livre comme un ouvrage
particulièrement personnel (il a lui-même "tout quitté" à
l’aube de ses 40 ans, suite à un "effondrement
intérieur").
Comme
dans son livre sur le deuil, le propos de l’auteur est
particulièrement clair tout au long du livre, et ce qui pourrait se
résumer à une injonction, certes argumentée, à questionner ses
choix de vie pour aller vers plus d’authenticité (que ce soit au
milieu de la vie ou non, d’ailleurs), est accompagné de conseils
pratiques précis pour le faire dans de bonnes conditions.
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