jeudi 25 juin 2020

Comment aider les victimes souffrant de stress post-traumatique, de Pascale Brillon



 Dans ce livre, que j’ai connu en le voyant recommandé assez unanimement dans un groupe Facebook consacré aux TCC, l’autrice explique les mécanismes qui provoquent le stress post-traumatique et détaille les moyens thérapeutiques qui peuvent être mis en place. Les solutions proposées ne sont en aucun cas des techniques à utiliser de manière linéaire avec chaque patient·e : l’autrice compare la thérapie à l’art tout en précisant qu’un·e artiste a souvent besoin de maîtriser un certain nombre de techniques.

Le stress post-traumatique est une réaction physiologique et psychique normale à une situation anormale. Cette réaction peut toutefois être mal comprise par la victime et… par son entourage, qui parfois se met en tâche de se transformer bravement en Captain Hindsight qui aurait bien entendu eu la réaction idéale à chaque instant de l’incident (braquage, accident de voiture, agression physique ou sexuelle, catastrophe naturelle, …) ou de l’inviter à guérir un peu plus vite, de penser positif et de se complaire un peu moins dans ses symptômes. Pascale Brillon précise qu’expliquer à la victime que ces attitudes sont souvent, respectivement, une réaction défensive contre la peur, par procuration, de l’incident, et une expression de la douleur du sentiment d’impuissance à mieux aider, peut aider à mieux les supporter. Une comorbidité est fréquente avec des conduites addictives (pour atténuer ses émotions et mieux supporter l’anxiété) ou avec une dépression, qu’il faudra soigner en priorité pour que le·a patient·e puisse s’investir dans une thérapie exigeante. Les symptômes sont variables (des outils, commentés, sont fournis pour un diagnostic détaillé) mais peuvent comporter par exemple des pensées et sensations intrusives qui font revivre l’événement, une anxiété ou une irritabilité accrues, la mises en place d’habitudes d’évitement de tout ce qui peut rappeler l’événement traumatique, de l’hypervigilance, des troubles du sommeil, une perte d’intérêt pour des activités ou des projets, …

Si les symptômes se démarquent par l’intensité des ressentis, le vécu de l’incident, le récit autobiographique qui en est fait, sera d’une grande importance. Une partie importante de la thérapie consistera donc à évaluer et nuancer les partie les plus néfastes, en particulier la dévalorisation du ou de la patient·e et la surévaluation du risque. L’autrice met en garde contre la pensée positive magique : il ne s’agit pas d’expliquer doctement que tout va bien et de faire répéter ces sages propos au ou à la patient·e, mais de rentrer dans le détail des raisonnements existants, en passant éventuellement par les ressentis plus profonds qui en sont la source, puis d’élaborer conjointement des cognitions plus satisfaisantes. Absurde, par exemple, de chercher à faire croire à une victime d’agression que nous vivons dans une société sécurisée où les agressions n’existent pas (pensée que, potentiellement, la victime avait avant son traumatisme). Arriver progressivement à l’idée que le risque d’être agressé·e simplement en sortant de chez soi est objectivement faible, bien que l’anxiété élevée donne l’impression du contraire, est plus aidant et réaliste. Les objectifs comme la procédure sont complexes, et le chapitre qui les détaille est le plus long du livre.

 Un axe central, mais particulièrement confrontant, de la thérapie, est l’exposition, dans un premier temps aux stimuli angoissants (bruits, environnements, situations rappelant l’incident) puis au récit du traumatisme lui-même. Ces étapes sont particulièrement exigeantes ("les symptômes d’évitement sont l’essence même du TSPT… et une démarche thérapeutique va exactement dans le sens inverse"), et demandent d’une part beaucoup de ressources de la part du ou de la patient·e, ce qui peut impliquer d’avoir au préalable soigné les autres problèmes psychiques, d’être dans une situation (financière, relationnelle, …) relativement stable, mais aussi une pédagogie empathique et complète pour que le·a patient·e comprenne bien pourquoi on lui inflige tout ça. L’exposition devra être progressive (pour les stimuli, en commençant par les moins effrayants, pour le traumatisme, en commençant par le raconter au ou à la thérapeute dans son cabinet à son rythme et au passé), répétée pour être efficace (expositions d’une heure environ, presque quotidiennement), et le niveau d’anxiété régulièrement mesuré à différents moments de l'exposition (par une autoévaluation sur cent). En effet, l’évitement est une solution efficace à court terme, mais à long terme renforce l’anxiété associée : la fuite est intégrée par l’organisme comme une réaction nécessaire à un danger terrible (effet qui est également renforcé dans le cas d’une exposition inadaptée, trop intense). L’objectif est d’accepter, comme l’algue épouse le mouvement du courant sans se laisser emporter, la sensation d’anxiété qui n’est pas un danger en soi jusqu’à un certain stade, et de voir que, ce que la fuite empêche habituellement de constater, elle diminue après un certain temps d’exposition. Et, bien entendu, l’exposition au traumatisme est le moment le plus difficile puisque, par définition, il s’agit d’un moment qui a été littéralement insupportable ("n’oublions pas que ce que nous demandons à la victime est très difficile pour elle"). Les situations de traumatismes multiples décuplent la complexité de la thérapie, et ce en particulier lorsque les traumatismes sont la conséquence de violences sexuelles ou qu’ils datent de l’enfance (dans ces cas là, l’exposition à un traumatisme peut en réveiller un autre plus violent encore).

 Bien que destiné à des spécialistes et rentrant plusieurs fois dans la complexité, le livre est extrêmement accessible et la lecture est fluide. Pour autant, l’autrice le dit très fermement, il ne constitue certainement pas une formation. "D’abord, ne pas nuire" s’applique peut-être encore plus qu’ailleurs pour une thérapie qui donne autant d’importance à l’exposition ("considérons tout de suite votre inexpérience des stratégies d’exposition comme une contre-indication importante"), qui consiste a intégrer un ou des évènement(s) aussi insupportable(s), et ce malgré la tentation possible quand on a une procédure détaillée sous les yeux ("Le danger du traitement cognitivo-comportemental, c’est qu’il a l’air simple, facile, à la portée de tous, sous prétexte qu’il est plus systématisé et plus défini. Or, rien n’est plus faux"). La meilleure façon d’aider une personne souffrant de stress post-traumatique, sans risquer d’aggraver ses troubles, sans être soi-même spécialiste et sans avoir de spécialiste à portée de main, est donc peut-être de lui conseiller Se relever d’un traumatisme, de la même autrice, destiné aux victimes : si la qualité est la même que celle de ce livre, je pense qu’on peut le proposer en toute confiance.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire