Dans ce livre, que j’ai connu en le voyant recommandé assez
unanimement dans un groupe Facebook consacré aux TCC, l’autrice
explique les mécanismes qui provoquent le stress post-traumatique et
détaille les moyens thérapeutiques qui peuvent être mis en place.
Les solutions proposées ne sont en aucun cas des techniques à
utiliser de manière linéaire avec chaque patient·e : l’autrice
compare la thérapie à l’art tout en précisant qu’un·e artiste
a souvent besoin de maîtriser un certain nombre de techniques.
Le
stress post-traumatique est une réaction physiologique et psychique
normale à une situation anormale. Cette réaction peut toutefois
être mal comprise par la victime et… par son entourage, qui
parfois se met en tâche de se transformer bravement en Captain Hindsight qui aurait bien entendu eu la réaction idéale à chaque
instant de l’incident (braquage, accident de voiture, agression
physique ou sexuelle, catastrophe naturelle, …) ou de l’inviter à
guérir un peu plus vite, de penser positif et de se complaire un peu
moins dans ses symptômes. Pascale Brillon précise qu’expliquer à
la victime que ces attitudes sont souvent, respectivement, une
réaction défensive contre la peur, par procuration, de l’incident,
et une expression de la douleur du sentiment d’impuissance à mieux
aider, peut aider à mieux les supporter. Une comorbidité est
fréquente avec des conduites addictives (pour atténuer ses émotions
et mieux supporter l’anxiété) ou avec une dépression, qu’il
faudra soigner en priorité pour que le·a patient·e puisse
s’investir dans une thérapie exigeante. Les symptômes sont
variables (des outils, commentés, sont fournis pour un diagnostic
détaillé) mais peuvent comporter par exemple des pensées et
sensations intrusives qui font revivre l’événement, une anxiété
ou une irritabilité accrues, la mises en place d’habitudes
d’évitement de tout ce qui peut rappeler l’événement
traumatique, de l’hypervigilance, des troubles du sommeil, une
perte d’intérêt pour des activités ou des projets, …
Si
les symptômes se démarquent par l’intensité des ressentis, le
vécu de l’incident, le récit autobiographique qui en est fait,
sera d’une grande importance. Une partie importante de la thérapie
consistera donc à évaluer et nuancer les partie les plus néfastes,
en particulier la dévalorisation du ou de la patient·e et la
surévaluation du risque. L’autrice met en garde contre la pensée
positive magique : il ne s’agit pas d’expliquer doctement
que tout va bien et de faire répéter ces sages propos au ou à la
patient·e, mais de rentrer dans le détail des raisonnements
existants, en passant éventuellement par les ressentis plus profonds
qui en sont la source, puis d’élaborer conjointement des
cognitions plus satisfaisantes. Absurde, par exemple, de chercher à
faire croire à une victime d’agression que nous vivons dans une
société sécurisée où les agressions n’existent pas (pensée
que, potentiellement, la victime avait avant son traumatisme).
Arriver progressivement à l’idée que le risque d’être
agressé·e simplement en sortant de chez soi est objectivement
faible, bien que l’anxiété élevée donne l’impression du
contraire, est plus aidant et réaliste. Les objectifs comme la
procédure sont complexes, et le chapitre qui les détaille est le
plus long du livre.
Un
axe central, mais particulièrement confrontant, de la thérapie, est
l’exposition, dans un premier temps aux stimuli angoissants
(bruits, environnements, situations rappelant l’incident) puis au
récit du traumatisme lui-même. Ces étapes sont particulièrement
exigeantes ("les symptômes d’évitement sont l’essence même du
TSPT… et une démarche thérapeutique va exactement dans le sens
inverse"), et demandent d’une part beaucoup de ressources de la
part du ou de la patient·e, ce qui peut impliquer d’avoir au préalable
soigné les autres problèmes psychiques, d’être dans une
situation (financière, relationnelle, …) relativement stable, mais
aussi une pédagogie empathique et complète pour que le·a patient·e
comprenne bien pourquoi on lui inflige tout ça. L’exposition devra
être progressive (pour les stimuli, en commençant par les moins
effrayants, pour le traumatisme, en commençant par le raconter au ou à
la thérapeute dans son cabinet à son rythme et au passé), répétée
pour être efficace (expositions d’une heure environ, presque
quotidiennement), et le niveau d’anxiété régulièrement mesuré à différents moments de l'exposition (par une autoévaluation sur cent). En effet, l’évitement est une
solution efficace à court terme, mais à long terme renforce
l’anxiété associée : la fuite est intégrée par
l’organisme comme une réaction nécessaire à un danger terrible
(effet qui est également renforcé dans le cas d’une exposition
inadaptée, trop intense). L’objectif est d’accepter, comme
l’algue épouse le mouvement du courant sans se laisser emporter,
la sensation d’anxiété qui n’est pas un danger en soi jusqu’à
un certain stade, et de voir que, ce que la fuite empêche
habituellement de constater, elle diminue après un certain temps
d’exposition. Et, bien entendu, l’exposition au traumatisme est
le moment le plus difficile puisque, par définition, il s’agit
d’un moment qui a été littéralement insupportable ("n’oublions
pas que ce que nous demandons à la victime est très difficile pour
elle"). Les situations de traumatismes multiples décuplent la
complexité de la thérapie, et ce en particulier lorsque les
traumatismes sont la conséquence de violences sexuelles ou qu’ils
datent de l’enfance (dans ces cas là, l’exposition à un
traumatisme peut en réveiller un autre plus violent encore).
Bien que destiné à des spécialistes et rentrant plusieurs fois
dans la complexité, le livre est extrêmement accessible et la
lecture est fluide. Pour autant, l’autrice le dit très fermement,
il ne constitue certainement pas une formation. "D’abord, ne pas
nuire" s’applique peut-être encore plus qu’ailleurs pour une
thérapie qui donne autant d’importance à l’exposition
("considérons tout de suite votre inexpérience des stratégies
d’exposition comme une contre-indication importante"), qui
consiste a intégrer un ou des évènement(s) aussi insupportable(s),
et ce malgré la tentation possible quand on a une procédure
détaillée sous les yeux ("Le danger du traitement
cognitivo-comportemental, c’est qu’il a l’air simple, facile, à
la portée de tous, sous prétexte qu’il est plus systématisé et
plus défini. Or, rien n’est plus faux"). La meilleure façon
d’aider une personne souffrant de stress post-traumatique, sans
risquer d’aggraver ses troubles, sans être soi-même spécialiste
et sans avoir de spécialiste à portée de main, est donc peut-être
de lui conseiller Se relever d’un traumatisme,
de la même autrice, destiné
aux victimes : si la qualité est la même que celle de ce
livre, je pense qu’on peut le proposer en toute confiance.
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