C’est explicite dès le début, ce livre est en grande partie
motivé par la difficulté des thérapies expérientielles à exister
institutionnellement au Royaume-Uni, où les organismes de santé
privilégient les méthodes thérapeutiques qui sont à même de
démontrer formellement leur efficacité, au détriment des méthodes
dont le travail n’est pas directement axé sur la guérison des
symptômes. La preuve a été un souci de Rogers (auteur de la
formule "Les faits sont nos amis") dès le début du
développement de l’ACP, même s’il est progressivement devenu
plus sensible aux limites de la recherche scientifique qu’à ses
atouts, mais en effet, force est de constater qu’aujourd’hui, en
particulier par comparaison aux TCC dont la clinique est presque
directement adossée à la recherche, les spécificités des
thérapies humanistes telles que l’ACP, dont les fondamentaux sont
difficilement mesurables (écoute empathique, non-directivité,
congruence du ou de la client·e et du. ou de la thérapeute, développement
personnel profond) sont peu adaptés à un rythme effréné de
publications.
Les
auteur·ice·s fournissent un certain nombre d’outils et de
réflexions pour le développement d’une recherche conforme aux
principes et aux valeurs de l’ACP. Par exemple, des échelles
existent bel et bien pour mesurer l’empathie du ou de la thérapeute
(telle que perçue par le·a patient·e), ou le niveau de sensibilité
à ses propres émotions. Des pistes sont aussi données pour sortir
de l’approche positiviste (hypothèse → test → rejet ou
validation de l’hypothèse) pour intégrer par exemple les
principes phénoménologiques centraux dans l’ACP (partir de ce qui
est perçu, sans hiérarchiser a priori les stimuli) mais je
dois admettre que ces préoccupations dépassaient largement mon
niveau technique. Des réflexions poussées sont aussi proposées, en
plus d’un état des lieux, pour prendre en compte le rôle du ou de la
client·e dans la thérapie, autre principe essentiel.
L’affirmation posée dans le titre ("les thérapies centrées sur
la personne et expérientielles fonctionnent") est confirmée dès
le premier chapitre, avec le détail de résultats de diverses
méta-analyses… non seulement pour l’aspect thérapeutique (dans
ledit premier chapitre) mais aussi dans le domaine du management ou
de l’éducation et de la pédagogie.
On
s’en aperçoit assez vite à la lecture : le livre n’est
certainement pas réservé, mais est plutôt destiné, à des
spécialistes. Sans connaissance au moins basique du fonctionnement
de la recherche et de la philosophie et de la pratique de l’ACP, je
pense que la sensation de noyade peut vite arriver, ce qui n’est
pas le cas par exemple pour Essential Research Findings in Counselling and Psychotherapy, sur un thème approchant, bien plus
accessible (mais accessible aussi uniquement en anglais). Pour le·a
chercheur·se, en revanche, entre les références de recherche, les
outils proposés et les réflexions pour réinventer la recherche, ce
livre est probablement une mine dans laquelle puiser pour pas mal de
travaux.
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