jeudi 27 mai 2021

Working with resistance, de Martha Stark

 


 Le·a patient·e vient généralement en thérapie pour se débarrasser d'un problème. Hors, la réalité est têtue : le·a thérapeute ne disposant pas de pouvoirs magiques (même pas celui de lire dans les pensées!), iel ne pourra pas opportunément faire disparaître ledit problème dans un chapeau, et le remplacer par un lapin ou une colombe (ou un mouchoir en tissu si le·a patient·e est vegan). C'est donc le plus souvent dans un changement du ou de la patient·e, et non de l'Univers, que résidera la solution. Seulement, changer, ça implique de passer d'un fonctionnement insatisfaisant mais sécurisant à un fonctionnement nouveau, c'est non seulement une prise de risque mais aussi un pas vers l'inconnu. Sans même parler de changer d'attitude, changer de perception, c'est aussi voir certaines réalités telles qu'on se refusait à les voir, qu'on a potentiellement mis pas mal de choses en place pour ne pas voir.

 C'est dans la traversée de ces interstices que Martha Stark propose d'aider les thérapeutes à accompagner les patient·e·s ("le patient comme le thérapeute doivent prendre conscience, en la respectant, de la présence active de deux ensembles d'énergies, les énergies saines qui poussent vers le "oui" et les forces résistantes qui insistent pour dire "non"). Le·a thérapeute doit répondre présent·e quand le·a patient·e a besoin d'être réconforté·e, mais aussi pour lui tenir la main pour passer de l'autre côté : ce n'est que quand toutes les forces contreproductives auront été écoutées, que leur deuil aura été fait, que le mouvement pourra avoir lieu. La notion de transfert est énormément sollicitée par l'autrice : le deuil à faire, c'est avant tout celui du parent que le·a patient·e aurait eu besoin d'avoir. Les attitudes génératrices de souffrance sont des adaptations à une situation passée, et la thérapie permet de se tourner vers le présent. Le·a thérapeute aura dans le transfert, selon les cas, le rôle de parent idéal (auquel cas ses défauts permettront progressivement au ou à la client·e de mieux percevoir la réalité) ou de parent persécuteur (et là, au contraire, la thérapie consistera à confronter les perceptions du ou de la patient·e à la réalité de la relation thérapeutique) (oui, tous les problèmes, semble-t-il, viennent de la relation avec les parents... n'ayez pas de parents, c'est une arnaque cette affaire). Plus concrètement, et ce sera illustré avec des vignettes cliniques commentées, la clef réside dans des relances, qui impliquent empathie et écoute attentive, qui prendront à la fois en compte le mouvement défensif et le besoin de changement ("Vous aimeriez vraiment avoir plus de reconnaissance dans votre travail, mais vous vous rendez compte que même en étant au bord de l'épuisement ce n'est pas ce que vous obtenez", "Je ne peux pas réparer vos blessures profondes en quelques séances, mais vraiment vous en auriez besoin, et vous trouvez ça tellement injuste que je ne le fasse pas", "Vous avez l'impression que je ne vous écoute pas, mais c'est parce que votre mère ne vous a pas écouté·e, et au fond vous savez que ce n'est pas ce qui se passe maintenant"). L'autrice proposera de nombreux développements sur les différences subtiles entre les différentes relances, en particulier sur quelle défense sera mise en valeur, et aussi sur l'ordre des propositions (est-ce que c'est préférable, dans tel ou tel cas, pour le·a thérapeute, de commencer par évoquer le mouvement défensif, ou le mouvement thérapeutique?).

 L'interstice évoqué est magnifiquement présenté, il constitue le cœur du mouvement thérapeutique pour, j'imagine, l'essentiel des modèles cliniques, et pourtant tout au long de la lecture, j'avais un sentiment diffus de frustration. C'est peut-être parce que j'en attendais beaucoup, parce que la promesse non seulement de surmonter ce mécanisme pour le moins contre-intuitif (c'est celui où client·e et thérapeute... s'opposent, au moins sur la forme) mais de le transformer en force positive est tellement libératrice (au lieu de détester, consciemment ou non, le·a client·e, au lieu de m'autoflageller, je vais avoir un tremplin pour travailler encore mieux!), parce que j'adore le mantra "Un·e client·e pas motivé·e, ça n'existe pas" mais qu'avec des éléments pratiques pour le mettre en œuvre c'est quand même mieux, et qu'au final j'ai surtout lu pour l'essentiel des choses que je savais déjà (cette idée de permettre le mouvement en respectant les défenses de l'autre est le socle théorique de l'ACP depuis 1942, et le livre date de 1994)... en cas de difficulté face à une situation de résistance, je vais finalement plutôt me reporter à Traiter la dissociation d'origine traumatique, très riche sur le sujet, en particulier sur la résistance qui s'exprime envers le cadre, à peine évoquée ici. Je regrette aussi que le livre soit beaucoup, beaucoup constitué de redites, avec parfois une pauvreté théorique qui contraste avec l'ensemble (je l'ai déjà dit plus haut, les souffrances proviennent forcément de la relation aux parents, mais, encore mieux, si le.a thérapeute fait des erreurs, c'est la faute du transfert du ou de la patient·e qui pousse à l'erreur, si si...). Impossible de détester le livre (l'interstice identifié est effectivement important, l'ensemble est bien argumenté et bien écrit, ...) mais... pourquoi? Pourquoi toutes ces redites dans un livre de 300 pages? Pourquoi pas plus de richesse théorique en 1994? L'impression d'être passé à côté d'une opportunité persiste.

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