samedi 29 octobre 2022

Escape from Babel, de Barry L. Duncan, Mark A. Hubble et Scott D. Miller



 Ce livre est, les auteurs l'indiquent dans l'intro, un binôme de celui-ci. Frustrés par les quelque 250 approches recensées au moment de la publication du livre (en 1997), nombre qui tend à gonfler plutôt que l'inverse, et plus encore par le fait que cette multiplicité tende à réduire le dialogue au lieu de le favoriser (certain·e·s thérapeutes semblant plus préoccupé·e·s par la démonstration de la supériorité de leur approche que par ce que pourrait leur apporter les autres, ce qui a d'autant moins de sens que de toute évidence l'ACP surpasse de loin tout le reste), ils proposent donc l'élaboration d'un langage commun en s'appuyant sur les recherches, point de départ de leur démarche, qui ont démontré que l'apport de chaque technique est limité, et en s'intéressant aux autres aspects dont l'efficacité a été révélée. 

 L'appel à l'humilité suggéré par le sujet est confirmé par un ton particulièrement ferme (les différentes approches sont même comparées à un moment à des rituels dont les tenants et aboutissants sont plus ou moins maîtrisés), puis par un éloge des client·e·s, "héro·ïne·s non célébré·e·s de la thérapie". Ce sera en effet le fil conducteur, régulièrement sourcé, du livre : se mettre au service des client·e·s ne consiste pas à les éblouir de notre maîtrise technique et encore moins à les secouer, ce qui sera peut-être plus satisfaisant mais selon la recherche scientifique moins efficace, mais à désigner avec elle ou lui, en respectant son rythme, ses ressources. Une vignette clinique particulièrement éloquente souligne ce qu'il ne faut pas faire : un thérapeute explique à une cliente en détresse à quel point ses différente réactions avec son conjoint étaient inappropriées, et après cette leçon lui promet à la prochaine séance une liste de solutions brillantes... la cliente est partie en larmes, et n'est pas revenue chercher ces solutions si merveilleuses (je vous rassure, les autres vignettes cliniques s'attardent plutôt sur ce qui est recommandé). Les client·e·s ne viennent pas tant parce qu'iels ont un problème que parce qu'iels ne parviennent pas à le régler. Ce constat n'est pas seulement une invitation à se centrer sur l'écoute plutôt que sur la technique, qui éloigne de la personne pour régler son problème à sa place, mais aussi une invitation à lui rappeler qu'elle a des ressources, ce qui peut passer, selon son état mental au moment de la consultation, à demander ce qui a déjà été mis en place et dans quelle mesure ça a marché ("ça a marché un peu", c'est techniquement le même constat mais offre un point de vue différent de "ça n'a pas suffi"), à relever les progrès depuis la dernière séance (une vignette clinique spectaculaire évoque un client qui entame une séance en insistant avec amertume sur le fait que rien n'a changé depuis la semaine dernière alors que quelques questions permettent de révéler qu'il y a en fait eu des changements majeurs), ... Le simple fait d'avoir un·e thérapeute optimiste peut faire une différence, même si elle ne sera pas nécessairement aussi radicale que pour ce couple auquel un thérapeute épuisé au bout d'une séance a émis le souhait que la suivante se passe mieux, avant de proposer par habitude la séance suivante en question : il a été le premier surpris lorsqu'il a revu le couple non seulement de voir une réconciliation très bien engagée, d'autant plus spectaculaire après l'ambiance orageuse voire sismique de la dernière fois, mais aussi appris qu'iels avaient retenu de cet échange d'une part qu'il avait un espoir que ça se passe mieux la prochaine fois, et d'autre part qu'il comptait sur elle et lui pour revenir.

 Si les conseils donnés restent dans l'ensemble sur la même ligne, ils sont appuyés, comme indiqué plus haut, sur des résultats de recherches scientifiques, et ils peuvent sembler simplistes tels que je les ai relevés rapidement mais les auteurs, en plus de donner d'abondantes illustrations pour rendre le tout concret, rentrent dans le détail et je pense que chaque thérapeute pourra en bénéficier selon le niveau de complexité qui lui convient et, c'est l'idée, quelle que soit son approche. Ils finissent d'ailleurs par estimer que la diversité des approches a un bénéfice dans la mesure où elle permet de varier ce qui est proposé aux client·e·s, appliquant sans le citer (pour ne pas faire de pub à la thérapie systémique?) l'un des préceptes fondamentaux de la PNL "Si quelque chose ne marche pas, fais n'importe quoi d'autre".

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