mardi 4 octobre 2022

Inpatient group psychotherapy, d'Irvin Yalom

 


 En complément de son livre sur la thérapie de groupe souvent réédité, Yalom donne ici de nombreux éléments, comme à son habitude sans langue de bois, pour s'adapter à la situation bien spécifique des groupes thérapeutiques (ce qui peut concerner de nombreux types de propositions) en institution psychiatrique.

 L'auteur évoque le fait que son livre est souvent appelé par erreur "impatient group psychotherapy" (je ne me sens pas concerné parce que je n'ai absolument pas fait cette erreur une bonne dizaine de fois), ce qui a du sens parce que, dans ce contexte spécifique, il faut viser l'efficacité : les groupes se font et se défont au gré de pas mal de critères que les thérapeutes peuvent difficilement anticiper et contrôler (état de santé des participant·e·s, entrées et sorties de l'institution elle-même, ...) au point qu'il vaut mieux considérer que chaque groupe tel qu'il est constitué ne se réunira qu'une fois, l'espace n'est pas nécessairement valorisé par l'ensemble des professionnel·le·s, ... Pour optimiser ce cadre qui ne permet pas de prendre son temps de la même façon qu'avec la plupart des propositions hors institution, Yalom insiste sur l'importance de sacraliser l'espace (refuser les retards même de quelques minutes pour éviter que la session ne s'ouvre sur une série d'interruptions, refuser également que les patient·e·s ne quittent le groupe car c'est l'heure de leur thérapie individuelle, ce qui implique généralement d'être ferme avec... les thérapeutes) et, en impliquant de façon active les participant·e·s, d'être précis sur les objectifs. Le simple fait de rendre une personne responsable de prévenir les autres de l'horaire et/ou du lieu a de bonne chance d'entraîner une meilleure présence de sa part pendant la session. La définition de l'objectif doit être individuelle (l'un des aspects acrobatiques est que chacun·e doit avoir l'opportunité de participer dans l'espace disponible) et réaliste par rapport au cadre ("soigner ma dépression", ça ne marche pas -malheureusement!-). Pour y contribuer, l'auteur propose de centrer sur le spécifique et l'ici et maintenant. La personne veut, par exemple, surmonter sa timidité? Par quelle personne du groupe est-elle intimidée en ce moment?

 Le fait d'impliquer d'autres personnes a l'avantage supplémentaire de favoriser les interactions. On l'imagine facilement, ça peut être explosif, mais Yalom propose de nombreuses solutions, appuyées sur des situations concrètes, pour que les conflits deviennent productifs et pour apaiser des moments potentiellement angoissants ou pesants (dans l'un d'eux, une patiente effrayée par la colère d'un autre qui a quitté la pièce après avoir balancé quelques chaises finit, avec le questionnement guidé du thérapeute, par identifier qu'elle a surtout eu peur non pas pour lui comme elle l'avait dit au départ mais de sa propre colère, de ce qu'elle pourrait faire à la personne qui l'a violée). Des exemples de solutions sont aussi donnés pour amener à participer des personnes réticentes. Le moment du debrief est également capital (en impliquant les observateur·ice·s quand il y en a) : un recul mis en mots sur ce qui s'est déroulé permet de mieux l'intégrer. C'est aussi l'occasion pour les thérapeutes de partager les questionnements et difficultés (la transparence est de façon générale très encouragée dans le livre, avec des éléments pour permettre de la communiquer dans de bonnes conditions) et d'échanger sur la façon dont leurs interventions ont été perçues, ce qui, point de vigilance à garder en tête, peut certes fragiliser certain·e·s participant·e·s qui pour diverses raisons se sentent mieux en surestimant les ressources des soignant·e·s, mais a en général des conséquences très positives. Autre spécificité de cet espace court : le cadre doit être plus valorisant, les interventions doivent se concentrer sur les aspects positifs ("je vois que tu es en colère contre xxx, j'ai l'impression que ça vient d'une envie de l'aider"), règle encore plus importante quand les groupes concernent des personnes particulièrement en difficulté (psychotiques, ...) pour lesquelles la participation à un groupe est une épreuve en soi.

 Le livre est à la fois accessible et riche, et pourra profiter bien entendu aux soignant·e·s mais aussi, probablement, aux personnes institutionnalisées et à leurs proches, pour éventuellement avoir des attentes plus spécifiques.

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