L'autrice, dans ce livre,
nous fait profiter de ses expériences dans des services de
périnatalité, bien loin (techniquement, sinon physiquement) du
divan auquel les psychanalystes sont plus souvent accoutumé·e·s
(pratique qu'elle juge toutefois nécessaire de continuer en
parallèle, comme des gammes de piano). Même si le livre est centré
sur le vécu des patient·e·s, la multiplicité des interlocuteur·ice·s est
souvent rappelée : le·a psychanalyste peut en effet salutairement
désamorcer des situations tendues quand des soignant·e·s, que ce soit
par leur sensibilité personnelle ou par leur rôle, sont en
difficulté avec certain·e·s patient·e·s ("on ne saurait trop insister
sur l'importance de cette disponibilité aux équipes et du temps
incompressible qu'il faut y consacrer"). Les thèmes abordés sont
nombreux dans ce petit livre (200 pages) : représentation de
l'enfant, du désir d'enfant et de la grossesse, appréhension de
l'accouchement, stérilité, procréation médicalement assistée...
Le livre est recommandé par Anne Ancelin Schützenberger,
spécialiste de la psychogénéalogie, et ce n'est pas surprenant :
la transmission de la vie n'est-elle pas le moment intergénérationnel
par excellence?
Les liens abordés ne seront d'ailleurs pas
uniquement entre la mère et l'enfant, la grossesse interrogeant,
selon le propos de l'autrice, les représentations, inconscientes ou
non, de l'enfance, de la parentalité, de la transmission de la vie,
faisant parfois surgir des conflits ou des douleurs qui jusque là ne
semblaient pas occuper de place importante dans le psychisme.
L'autrice évoque de très nombreux cas où une stérilité, parfois
pesante depuis de longues années, ne trouvant pas d'explication
médicale, se trouve soudainement résolue après la prise de
conscience d'un deuil, d'une angoisse ou d'une rancœur ancienne, …
Le vécu de l'enfance et la relation aux parents seront
principalement interrogés, et des liens faits entre le concept
freudien d'envie du pénis (pour aller très vite, étape freudienne
du développement psychique de la petite fille où elle réalise que,
contrairement aux garçons, elle n'a pas de pénis) et la grossesse.
Si une partie des propos sont appuyés sur des
recherches scientifiques (dont l'une, un entretien semi-directif
passé par des donneuses d'ovocytes dans le cadre d'une procréation
médicalement assistée, a été menée par l'autrice elle-même) ou s'articulent avec des situations
cliniques bien précises (dont des dates de naissances qui coïncident
avec une date très significative dans la vie psychique de la mère,
éléments qui rappellent furieusement le travail de Schützenberger),
les éléments théoriques proposés, foisonnants, ne sont pas
toujours justifiés ou expliqués en longueur. On ne comprend par
exemple pas nécessairement pourquoi le fait qu'une mère ne
s'inquiète pas pendant sa grossesse indique qu'elle refoule une
appréhension, pourquoi une très forte angoisse après une
expérience terrible lors d'un accouchement précédent (douleurs
intenses, enfant mort-né ou souffrant de séquelles, …) viendrait
d'éléments de l'inconscient plutôt que de la peur bien palpable
d'une répétition (une sage-femme refusant d'appeler un médecin
malgré les demandes insistantes voire terrifiées de la personne qui
accouche, n'est-ce pas marquant en soi, sans aller chercher un enjeu œdipien?), ou encore comment l'autrice a conclu que "chez l'humain,
à la différence de l'animal, les conduites sexuelles s'appuient sur
l'identification aux aînés" (pensée émue pour les chameaux,
ornithorynques, libellules ou autres hamsters passés sur le divan
pour faire avancer la science). On pourrait aussi mentionner des
affirmations contradictoires ("l'avortement peut être le prix du
sang à verser pour devenir femme soi-même" mais "l'adolescence
féminine ne s'achève qu'avec la première naissance, même
tardive") ou au contraire le fait que l'autrice reprenne à son
compte une phrase de Nietzsche ("plus actuelle encore aujourd'hui
qu'à son époque") qui n'est que trop compréhensible et dont le
sexisme mettrait mal à l'aise Jean-Marie Bigard ("Tout chez la
femme est énigme et tout chez la femme a une solution unique,
laquelle a nom grossesse").
Si les éléments avancés ne sont donc
généralement pas assez développés, les pistes théoriques restent
nombreuses et peuvent permettre, par exemple dans le cadre d'un stage
dans le secteur de la périnatalité, d'être attentif·veà différents
enjeux mis à jour par une pratique professionnelle riche et intense.
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