lundi 13 février 2017

La dette de vie, Itinéraire psychanalytique de la maternité, de Monique Bydlowski



  L'autrice, dans ce livre, nous fait profiter de ses expériences dans des services de périnatalité, bien loin (techniquement, sinon physiquement) du divan auquel les psychanalystes sont plus souvent accoutumé·e·s (pratique qu'elle juge toutefois nécessaire de continuer en parallèle, comme des gammes de piano). Même si le livre est centré sur le vécu des patient·e·s, la multiplicité des interlocuteur·ice·s est souvent rappelée : le·a psychanalyste peut en effet salutairement désamorcer des situations tendues quand des soignant·e·s, que ce soit par leur sensibilité personnelle ou par leur rôle, sont en difficulté avec certain·e·s patient·e·s ("on ne saurait trop insister sur l'importance de cette disponibilité aux équipes et du temps incompressible qu'il faut y consacrer"). Les thèmes abordés sont nombreux dans ce petit livre (200 pages) : représentation de l'enfant, du désir d'enfant et de la grossesse, appréhension de l'accouchement, stérilité, procréation médicalement assistée... Le livre est recommandé par Anne Ancelin Schützenberger, spécialiste de la psychogénéalogie, et ce n'est pas surprenant : la transmission de la vie n'est-elle pas le moment intergénérationnel par excellence? 

  Les liens abordés ne seront d'ailleurs pas uniquement entre la mère et l'enfant, la grossesse interrogeant, selon le propos de l'autrice, les représentations, inconscientes ou non, de l'enfance, de la parentalité, de la transmission de la vie, faisant parfois surgir des conflits ou des douleurs qui jusque là ne semblaient pas occuper de place importante dans le psychisme. L'autrice évoque de très nombreux cas où une stérilité, parfois pesante depuis de longues années, ne trouvant pas d'explication médicale, se trouve soudainement résolue après la prise de conscience d'un deuil, d'une angoisse ou d'une rancœur ancienne, … Le vécu de l'enfance et la relation aux parents seront principalement interrogés, et des liens faits entre le concept freudien d'envie du pénis (pour aller très vite, étape freudienne du développement psychique de la petite fille où elle réalise que, contrairement aux garçons, elle n'a pas de pénis) et la grossesse.

  Si une partie des propos sont appuyés sur des recherches scientifiques (dont l'une, un entretien semi-directif passé par des donneuses d'ovocytes dans le cadre d'une procréation médicalement assistée, a été menée par l'autrice elle-même) ou s'articulent avec des situations cliniques bien précises (dont des dates de naissances qui coïncident avec une date très significative dans la vie psychique de la mère, éléments qui rappellent furieusement le travail de Schützenberger), les éléments théoriques proposés, foisonnants, ne sont pas toujours justifiés ou expliqués en longueur. On ne comprend par exemple pas nécessairement pourquoi le fait qu'une mère ne s'inquiète pas pendant sa grossesse indique qu'elle refoule une appréhension, pourquoi une très forte angoisse après une expérience terrible lors d'un accouchement précédent (douleurs intenses, enfant mort-né ou souffrant de séquelles, …) viendrait d'éléments de l'inconscient plutôt que de la peur bien palpable d'une répétition (une sage-femme refusant d'appeler un médecin malgré les demandes insistantes voire terrifiées de la personne qui accouche, n'est-ce pas marquant en soi, sans aller chercher un enjeu œdipien?), ou encore comment l'autrice a conclu que "chez l'humain, à la différence de l'animal, les conduites sexuelles s'appuient sur l'identification aux aînés" (pensée émue pour les chameaux, ornithorynques, libellules ou autres hamsters passés sur le divan pour faire avancer la science). On pourrait aussi mentionner des affirmations contradictoires ("l'avortement peut être le prix du sang à verser pour devenir femme soi-même" mais "l'adolescence féminine ne s'achève qu'avec la première naissance, même tardive") ou au contraire le fait que l'autrice reprenne à son compte une phrase de Nietzsche ("plus actuelle encore aujourd'hui qu'à son époque") qui n'est que trop compréhensible et dont le sexisme mettrait mal à l'aise Jean-Marie Bigard ("Tout chez la femme est énigme et tout chez la femme a une solution unique, laquelle a nom grossesse").

  Si les éléments avancés ne sont donc généralement pas assez développés, les pistes théoriques restent nombreuses et peuvent permettre, par exemple dans le cadre d'un stage dans le secteur de la périnatalité, d'être attentif·veà différents enjeux mis à jour par une pratique professionnelle riche et intense.

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